Plus que jamais, lorsque les temps deviennent difficiles, trouver sa place prend tout son sens.
Et ça commence tout jeune. On a la chance d’être dans un pays où on nous apprend des choses, des tas de choses. Les neurosciences l’ont dit et répété, les gamins ont une éponge à la place du cerveau.
Alors on y va, on le bourre de tout et de n’importe quoi, à la sauce technocrates qui ont pensé dans quel ordre rentraient tous ces trucs.
Puis on grandit un peu, et tout à coup, sans prévenir, on vous annonce qu’il va falloir décider de sa voie, trouver ce qu’on souhaite faire plus tard. Mais pas de chance, nous sommes encore trop jeunes pour nous raisonner, pour comprendre toute l’importance de cette demande. Nous, on ne veut que s’amuser, c’est bien normal.
Et puis je passe sur tout le contexte. Si nous étions maitres de notre choix probablement que tout irait bien, mais c’est sans compter sur ce qui nous entoure.
Alors on continue à grandir, à rigoler et à oublier de réfléchir à ce choix demandé. Mais viens le moment où il faut se décider.
Après moult péripéties, il devient évident qu’on ne peut plus rester sans sélectionner une nouvelle option, se divertir n’en étant plus une. Les plus chanceux bénéficieront de quelques années de rallonge, les autres affronteront la réalité : travailler.
Pas le choix. Encore une fois le contexte va nous jouer ses petits tours, quel que soit le milieu dont nous sommes issus. On aura finalement décidé, par dépit ou par ambition, mais la vie nous imposera des choses auxquelles nous n’avions pas pensé. Et elles sont légion.
Là, première constatation, il y a probablement plus de déception que de bonheur dans les rangs de ces nouveaux travailleurs.
OK, ce qui est déjà bien, c’est que tout le monde a trouvé sa place.
Deuxième observation, c’est que ce n’est pas parce qu’on a disposé de nombreuses pinces à linge sur la corde que tout le linge va sécher convenablement.
Petite métaphore pour ceux qui préfèrent les images (comme moi).
On a finalement accroché toutes les chemises, t-shirts et autres caleçons en rang de plus en plus serré, et pourtant, il faut le dire, ça a l’air de sécher. Mais dans quelles conditions ! Tout est froissé, ça prend un temps fou à ne plus être humide, la corde plie au maximum et le vent en arrache régulièrement. Dès qu’il y a un trou, on y suspend tout de suite un peu de linge, en tassant encore plus, car il y en a toujours plus avec toujours moins d’espace.
Tout sèche de moins en moins vite, mettre des fringues mouillées au milieu du presque sec, ça rend tout moite. Si si, croyez-moi…
Sans oublier qu’on récupère le vêtement tombé et souillé, et on le relave pour l’étendre à nouveau. Du moins on essaie, car la chemise vautrée dans la boue qui est définitivement pourrie, on l’abandonne dans un coin, destination les chiffons.
Et qu’advient-il du short qui voulait devenir pantalon ?
Rien, ou très peu. Il n’a pas d’autre choix que de faire sombrer n’importe qui ou pousser un peu la paire de chaussettes à côté de lui pour pouvoir s’épanouir. Et lorsqu’il va voir qu’il y a un peu d’espace libre, il ne va pas tenter de la garder pour d’autres. À ça non ! Il va s’étendre à son aise et tant pis pour la robe qui désirait elle aussi s’imposer.
Pourtant tout avait bien commencé, lorsqu’elle n’était qu’une bobine de fil, on avait questionné cette robe, que voulait-elle devenir ?
Sauf qu’on lui avait caché qu’il n’y avait pas de place et encore moins le choix de son avenir.
Malheureusement, je ne dis pas que j’ai une solution. Je constate.
Au lieu de créer plus de corde à linge pour pouvoir faire sécher correctement, on demande aux gamins de choisir leur voie de plus en plus tôt pour voir à quel endroit on va simplement faire quelques nœuds et rajouter un tout petit peu de corde.
Ça n’a aucun sens. Ils sont trop jeunes, et ils ont de toute façon… envie de s’amuser.
Alors, trouver sa place c’est déjà un travail de dingue. Et là c’est le dernier fichu tour de ce contexte, nous sommes épuisés avant même d’avoir pu profiter de cette position gagnée.
Heureusement lorsqu’on vieillit, notre cerveau se recale. Finis les rêves et on apprend à se limiter avec ce qu’on a, à s’en contenter jusqu’à la fin, à se résoudre à ne plus vouloir d’autre endroit.
Être accroché par une pince à linge quelque part, c’est déjà une victoire, et tant pis si on n’a pas trouvé la place qu’on méritait.
J’aurais pu tenir une laverie… C’était peut-être ça mon idéal ?