Parfois, il suffit d’une toute petite chose, un tout petit rien comme dirait je ne sais plus qui, pour faire bonne impression.
A qui ?
A soi-même ! Se faire une bonne impression, celle d’exister. Ce tout petit truc me donne l’impression d’exister.
Ce genre de chose se loge dans un chat d’aiguille, presque invisible, et pourtant au grand effet.
Un peu plus tôt dans la journée, j’ai reçu un cadeau. C’est un petit livre, tout joli, ressemblant à un grimoire. Ma fille en fouillant dans un grand magasin est tombée dessus et s’est tout simplement dit que ça lui faisait penser à moi et que ça me correspondait.
Quelque part dans l’univers, une petite idée de moi s’est logée dans un objet et a fait surgir une image agréable dans la tête d’un être cher. Déjà en soi, c’est un petit plaisir de représenter quelque chose pour quelqu’un, vous ne trouvez pas ?
Bon et en plus c’est une douce idée. Il ne fait aucun doute que parfois le souvenir que je fais naitre dans l’esprit des gens n’est pas toujours le meilleur et qu’il doit y avoir un lot de mauvais esprits qui s’accumule chez certains à mon propos ! Si on fait les comptes, je ne dois pas être toujours dans le vert…
Mais pas ici. Forte de cette idée, elle s’est empressée de l’acheter pour me l’offrir.
Lorsque je l’ai pris, je me suis demandé, non pas ce que j’allais en faire, mais ce que pouvait bien être cet agenda.
Oui, parce qu’on aurait dit un agenda.
C’en est un d’ailleurs.
Et non en fait, ça n’en est pas un.
Enfin presque.
C’est un pavé, avec ses trois cent soixante cinq pages numérotées et datées comme il se doit. Sauf qu’il y a une toute petite différence d’utilité.
Sur chaque jour, est notée une question, des interrogations qui vont de « quand avez-vous dansé pour la dernière fois ? » à « quelle était votre dernière pizza ? » en passant par « à ce jour vos choix vous comblent-ils ? ».
Et pour chacune de ces questions, cinq emplacements, une par année.
C’est tout bête.
Tout con.
Chaque année, chaque jour, il suffit de répondre à la question en quelques mots. Pas une dissertation de quinze pages, juste deux lignes.
Évidemment le jeu, l’amusant, c’est de le faire honnêtement et de comparer avec les réponses des années précédentes.
Alors je ne sais pas si je ferai bien mes devoirs tous les soirs, pendant cinq ans !
Mais ce concept, cette façon d’aborder sans prise de tête sa propre vie, de noter ces détails qui me ressemblent et me composent, de laisser sur un bout de papier une petite trace de moi et de mon quotidien me donne une furieuse impression d’exister.
C’est fou non ? Je pourrais très bien faire ça tout seul dans un coin, noter des choses personnelles qui rappelleront peut-être un jour qui j’étais à un individu qui les lirait… C’est ce que je fais avec ces textes de mon pauvre cerveau, mais je ne sais pas, je doute que ces textes me survivent vraiment.
Ici, avec ce grimoire, j’ai l’impression d’écrire un petit bout de moi sur le papier, un minuscule bout d’intimité sans conséquence, mais qui à la relecture pourra être drôle, tendre, sentimental, dur, compliqué ou peut être juste stupide ?
Des ridicules morceaux de ma personnalité qui ne cesseront d’exister pour les autres que si on les brule, des ridicules exemples de choses qui me composent,
c’est ça le bonheur. Ça se niche sur une tête d’épingle parfois noyée dans un océan de foin, mais c’est simple, gentil, parfois créatif, et surtout ce n’est jamais où on l’attend.