Un vent de liberté

Ça m’a pris comme ça, comme une envie… de liberté. Privilège de l’arrivée de ma retraite d’ici quelques temps. Quarante-quatre ans que je travaille, beaucoup de boulots différents, vraiment beaucoup, beaucoup de choses découvertes et évidemment beaucoup de gens rencontrés. Et puis, avec l’avène...…
Un vent de liberté
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Ça m’a pris comme ça, comme une envie… de liberté.

Privilège de l’arrivée de ma retraite d’ici quelques temps.
Quarante-quatre ans que je travaille, beaucoup de boulots différents, vraiment beaucoup, beaucoup de choses découvertes et évidemment beaucoup de gens rencontrés.
Et puis, avec l’avènement des réseaux sociaux, est arrivé le truc le plus bizarre, celui de garder de soi-disant relations avec ses collègues, anciens ou actuels. Je veux nommer linked in ou viadeo (pour les plus vieux). J’y étais inscrit avant même que Microsoft ne réfléchisse qu’il devait le racheter. Je ne parle pas des autres réseaux, qui aurait idée de mélanger boulot et vie privée sérieusement ?
D’ailleurs, en y repensant, la notion de connexion avec des gens qu’on côtoie quotidiennement c’est quand même la pire théorie « ever » (c’est pour faire jeune ça)… On les voit la journée, et on se ligote à eux informatiquement, juste histoire que, si vous ne les croisiez pas à la machine à café, ils sachent ce qu’il vous arrive.
Donc, le ras-le-bol passait par là, et s’est invité dans mon cerveau, une soupape qui m’a susurré que ces connexions ne servaient à rien, que tout ça ressemblait à une belle hypocrisie numérique.
Comme tous les RS vous me direz. Oui, mais non. Les autres ont un mérite, celui de ne pas promettre de vous aider dans votre carrière professionnelle. Car mettons-nous d’accord, c’est tout de même une de nos plus grandes préoccupations, bien sûr ! Je sais, c’est une mauvaise voie, pourtant on s’y engouffre tous. Nos métiers censés nous mener au meilleur, on les chouchoute. Et lorsqu’on nous donne une méthode actuelle pour plus de progression, on se jette la tête la première dans le bain numérique. Allez-y, faites-moi croire que vous n’y avez pas cédé, hein ?
Au moment où j’écris ces mots, je me rends compte que les relations montantes ou descendantes ne sont une inquiétude pour personne. Mais… Si vous naviguez sur ce type de réseau, vous êtes-vous connecté avec votre électricien ? Votre plombier ? Votre postier ? Nada. Ou si vous l’avez fait, c’est probablement unitaire, votre artisan à vous et c’est tout.
Si je regarde mes propres « mises en correspondance », je ne voyais que mes clones, des informaticiens exécutants ou cadres, voir cadres sup quand ma carrière a évoluée. Je n’avais personne qui travaillait à la chaine, personne qui aurait fait le ménage dans mon bâtiment, personne qui distribuait une bonne soupe le soir dans les rues. Hypocrisie plus plus.
Non, en fait, encore une fois, on cultive l’entre soit, on se complait dans la consanguinité professionnelle. Je suis informaticien ? Allez hop trois cents relations d’informaticiens. Je suis cadre dirigeant ? Zou, cent cinquante de plus de cadres dirigeants. Mais je ne m’abaisse pas plus bas. Il ne faut pas rigoler non plus.
Ça n’a aucun sens. Aucun d’entre eux ne m’a aidé à trouver du boulot les rares fois où j’en manquais. Pourtant, ce type de réseau n’existe-t-il pas pour ça ? Si on élimine le côté curieux (voir voyeur et peut être même emprunt d’une sérieuse jalousie) qui consiste à surveiller ce que deviennent les autres, il a normalement vocation à garder des relations qui « peuvent servir ». On a virtualisé les clubs fermés où il fallait être invité à participer. Ici, tout le monde est présent. Et c’est bien pire.
Seul intérêt, c’est évidemment la promesse de la promo gratuite, si vous voulez faire connaitre votre société ou votre CV… Vous réclamez des connexions à tirelarigot, vous cliquez tous azimuts en espérant qu’en face, la personne vous rattache. Et après ? Vous envoyez des messages, des bouteilles à la mer, que peu lisent et encore moins y donnent suite.
C’est n’importe quoi.
Dans toute ma carrière, j’ai pu aider une poignée de gens à trouver un job ou à en changer. Et ce n’est pas avec un service de fichage numérique.
En fait, ceux avec qui je m’entendais bien n’ont pas eu besoin de ce réseau pour savoir comment je me portais.
Alors je me suis éclipsé. J’ai supprimé les contacts, un par un. J’ai flingué et dézingué à tout va. J’aurais pu fermer mon accès directement, mais j’aurais raté le meilleur, cette sensualité du « clic je coupe la connexion parce qu’on ne s’est pas parlé depuis dix ou vingt ans et que tu as disparu de ma vie finalement. »
Ça m’a fait un bien fou que je n’imaginais pas.
J’y suis allé doucement, je m’en suis délecté. Plonger dans des tas de souvenirs avec tous ces gens n’était pas désagréable. Je les ai croisés, puis me suis « connecté » (je devrais dire enchainé) il y a tellement d’années pour certains. J’ai tenté de sauvegarder quelques liaisons humaines, mais certains n’en ont pas voulu, d’autres sont morts aussi (ça, c’est moins amusant quand les comptes ne sont pas fermés).
Et puis il y a ceux qui, finalement ne m’appréciaient pas et je l’ai su plus tard. Pourtant, ils résidaient toujours dans mes connexions. Cocasse comme concept n’est-ce pas ? Dans la vie, vous n’aimez pas quelqu’un, vous vous débarassez de son souvenir, de son numéro de téléphone et de tout ce qui pourrait vous rappeler cette personne. Ici, dans ce système, non. On garde indéfiniment de pseudoliaisons. Plus il y en a, plus l’impression de se bâtir une solide réputation existe, la célébrité en quelque sorte.
J’y suis passé. Et tous ceux qui ont ou ont eu un compte sur ces environnements y sont passés aussi.
C’est la vie !
Et vous ? Vous y êtes encore ?

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