Le passé, le présent, le futur, trois termes qui définissent nos vies dans leur intégralité.
Le passé, le présent, le futur, trois termes qui définissent nos vies dans leur intégralité.
Est-ce qu’on peut dire que ça les résume ?
Je ne sais pas, mais, dans le laboratoire de mon cerveau, nous étudions de près cette question primordiale.
Comme point de départ, nous pourrions prendre cette petite synthèse rigolote que tout le monde a entendue et que les psys nous livrent pour se débarrasser de la difficulté, à savoir : le passé, on ne peut pas le changer, alors ça ne sert à rien de se morfondre avec, le futur on ne le connait pas, pourquoi donc chercher des solutions à des problèmes qui n’existeront peut être jamais. Donc, le présent demeure notre plus bel atout, puisqu’en s’y intéressant, on peut en profiter vraiment et décider de ce que sera notre vie en pleine conscience.
Bien. Ça, c’est dit.
Ce n’est pas complètement faux sur le cahier. Évitons d’avoir des remords et des regrets et n’inventons pas des choses qui nous tourmentent. Sauf que…
Mon passé me hante, ou m’enchante, c’est selon. Mais surtout, je ferai tout pour en modifier les impacts si le besoin est avéré. Il va donc largement influencer mon présent par ses conséquences, ne jamais vraiment devenir « le passé » et je vais tout faire pour que le futur ne le subisse pas.
Selon les souvenirs qui reviennent, mon état émotionnel du moment va s’altérer et des répercussions peuvent se dévoiler. Cet autrefois, il fait partie intégrante de ma réflexion, de ma vie, pas seulement quotidienne, mais aussi intellectuelle. J’ai avancé grâce à lui, mon esprit a évolué. Désormais je ne prendrai plus les mêmes décisions pour certaines choses. A l’époque, je leur portais un œil différent. Ce n’est pas du regret, je ne me flagelle pas, l’existence m’a fait progresser, j’ai été télescopé par une multitude de nouveaux événements de plein fouet et ces aspects m’ont peu à peu façonné, remodelé.
J’ai accompli énormément de bêtises lors de ma courte jeunesse. Pour information, mes parents étaient vieux, naissance au début du vingtième (1914 et 1924) et j’étais le septième de la fratrie. J’ai donc enchainé tout ce qu’il fallait pour me construire loin de la stricte autorité. Avec une bande de copains toujours prête aux quatre cents coups, un refus total des dominations multiples (scolaire, parentale, écclesiastique, militaire et autres), un désintérêt gigantesque pour le diplôme fatidique du BAC (pas pour les apprentissages, mais je ne suis juste pas allé aux épreuves), j’ai récusé l’avenir tracé et décidé par mes géniteurs (non je ne veux pas me métamorphoser en avocat) suis devenu papa avant mes vingt ans et j’ai travaillé dans tous les métiers possibles (de gardien de nuit, à dessinateur cartoon, technicien radio ou chef de plateau, electronicien, informaticien et j’en oublie).
Tout ça, toute cette volonté de tout assumer sans jamais m’arrêter ni accepter les dictats, je le dois à un passé qui m’a mis dans de mauvaises positions. C’est lorsque j’ai compris à l’adolescence vers quatorze ans que je ne pouvais pas rester à suivre des chemins écrits d’avance, que j’ai tout repris en main pour m’en faire un présent et un futur.
Je vous donne un exemple, un sujet compliqué dans les familles, surtout dans les années quatre-vingt, l’homosexualité. Comme beaucoup de personnes ayant grandi avec des parents dits « classiques », j’ai adopté involontairement leurs points de vue, bons ou mauvais, eux-mêmes issus de leur éducation et de leur époque. C’est donc naturellement que j’en étais rendu à penser que l’homosexualité c’était le mal absolu. (je n’en étais pas à ce point-là quand même, j’exagère…)
De moches en belles rencontres, les cas différents se sont faits nombreux et j’ai pourtant commencé avec une idéologie qui n’était pas la mienne. Bien entendu, c’était nul. Bien entendu je ne me suis pas fait que des amis. Et, bien entendu je ne suis pas fier d’avoir été ainsi. Mais…
C’était mon éducation, le facteur époque et sa doctrine ont joué leur rôle prépondérant. (Je ne cherche pas d’excuses ni de pitié, c’était co… et j’étais un gosse.)
Et puis l’adolescence est « enfin » passée par là. J’ai évolué, compris, changé, rebâti ma propre culture à grand renfort de coups de pied au derrière et j’ai fini par réfléchir par moi-même, par me calquer sur mon temps.
Fort de cet exemple, reprenons le déroulement. Faut-il laisser son histoire de côté parce qu’on ne peut pas le refaire ? Faut-il ne plus y penser si on a mal ?
Non. Justement. Ça ne fait pas mal du tout, c’est presque le contraire. Je ne suis pas heureux d’avoir dit des stupidités et probablement blessé des gens, mais c’est bien de m’être promené par là pour chercher ma route et me rendre un peu meilleur. Je suis alors dans une dualité que je ne veux pas perdre. Cette identité qui est maintenant la mienne, qui évolue en permanence, je la garde. Et pour cela, je dois aussi conserver le mal de mon vécu, pour comprendre comment j’en suis arrivé ici, ne plus refaire mes erreurs. Je dois m’en souvenir et ne pas imaginer que je peux l’oublier, faire du passé un présent intellectuel.
OK, parfois, y penser me désespère. Mais je vais le préserver quand même. Je peux modifier ce passé en évoluant, pas changer l’époque, mais en transformer le résultat, car je suis ce résultat. L’histoire n’est pas figée.
Quant au futur, je n’ai pas de don de voyance, sinon j’aurai déjà gagné au loto et arrêté de travailler. Sauf que… là encore, j’ai un net penchant pour les stats et les probabilités. Ce n’est pas l’avenir, on est d’accord, cela consiste juste à envisager tout ce qui peut arriver dans telle ou telle circonstance. Un peu comme si je pratiquais les échecs.
Là, vous allez me répondre, « l’inconnu surviendra toujours ». Oui. C’est vrai. Mais je peux quand même éviter de sauter à pieds joints dans la poisse. Ce n’est pas se rire du destin, simplement prévenir les ennuis. C’est très fatigant, je vous l’accorde. Pourtant, je trouve que le jeu en vaut la chandelle.
Et le présent alors ?
C’est le hic…
En se comportant comme tel, on ne peut pas profiter du présent. Nous sommes toujours dans l’analyse et les prévisions. Le résultat, c’est que je n’ai pas le temps (c’est drôle !). Constamment en train de calculer ce qui risque d’arriver, ou de disséquer ce qui s’est passé et comment faire pour que ça ne nuise plus. J’ai bien peur que l’ensemble ne laisse pas de place à cet espace instantané dans lequel les psychologues aimeraient qu’on s’attarde.
Donc voilà, mes actes antérieurs ne résument pas ma réalité, le futur n’en sera pas les conséquences si je fais le nécessaire, quant au présent, il est déjà en partie occupé par un résultat ponctuel du vécu, alors en profiter… je ne sais pas trop.
Et là je vous entends d’ici (décidément vous parlez trop fort !) « Mais dans le passé il y a aussi de bonnes choses et il faut se laisser porter avec délectation » (vous parlez bien dites donc ;))
J’ai du mal avec cette idée. Je ne comprends pas comment je dois y répondre. Pour moi, elles n’ont qu’un seul mérite, celui de ne pas être mauvaises. Mais vous avez raison, je fuis probablement beaucoup beaucoup beaucoup de calme de joie et de sérénité.
En conclusion, les phrases à l’emporte-pièce pour se rassurer et canaliser notre état psychologique ou émotionnel en se détachant du temps qui file ou de celui à venir, ne dédouanent pas tant que ça.
Si j’en juge par les nœuds au cerveau que je m’inflige, ce n’est pas un très bon mantra finalement !