Ce concours organisé par @kobo.writing.life, demandait à faire fonctionner son imagination pour produire un texte de 750 signes maximum par jour pendant 21 jours. Chacun de ces "paragraphes" devaient impérativement comporter un mot obligatoire (et différent chaque jour évidemment :))
J'ai décidé de présenter jour après jour un repas de famille à la veille de Noël...
J’ai fait un dessin pour les invitations manuscrites que papa a envoyées à tout le monde parce que demain c’est Noël. Alors toute ma famille est réunie, moi j’adore ça. Il dit que si elle continue à s’agrandir comme ça, il faudra louer un château pour l’année prochaine. Il fait la même blague tous les ans.
Il dit aussi que les plus jeunes prennent de la place, mais que les plus vieux sont toujours là. J’aime bien, il y a plein de bruit et on s’amuse. Surtout à la fin du diner, je crois que c’est le vin.
Cette année, maman nous a appelés avec ma petite sœur.
— Mes amours, cette année c’est vous qui servez les desserts, vous voulez bien ?
Évidemment qu’on voulait, il faut passer voir chaque personne et donner du gâteau.
Lulu elle a cinq ans et pour commencer c’est elle qui doit pousser le chariot, moi je coupe les parts. On a foncé au bout de la table où il y avait la sœur de maman et son mari bizarre.
— Tata tu veux quoi ?
— Oh, mes poussins, c’est vous qui êtes de corvée gâteau ?
Elle nous parlait, mais on voyait bien qu’elle cherchait des yeux lequel lui faisait le plus envie. Elle n’arrivait pas à se décider, alors elle a demandé à Anoki.
— Chéri tu veux lequel ?
Lui, il sourit tout le temps, mais je ne le comprends pas toujours.
— Hu… Du tout blanc et marron, on dirait le Nunavik, il ressemble à la Toundra de mon enfance.
Lulu l’a regardé bien droit dans les yeux pendant que je les servais.
— C’est quoi le Nunavik ?
Après c’était le tour de tonton numéro un. C’est mon clown préféré. Il raconte toujours des bêtises. Il vit tout seul le pauvre, mais il dit qu’il vaut mieux être tout seul avec son chien que plusieurs avec un chat.
— Tu veux quoi tonton ?
Il a attrapé une miette de crème sur le bord du plat et l’a posé sur le nez de Lulu qui a rigolé.
— Mes chatons, moi ce sera un morceau de celui qui ressemble à un kaléidoscope.
Lulu n’a pas pu s’empêcher.
— C’est quoi un kaliloscope ?
— C’est une lunette pour voir la vie de toutes les couleurs p’tit chaton.
J’ai coupé une bonne part avec les vermicelles rose et vert.
— Ouh pas si gros, si je mange autant de couleurs la vie paraitra bien terne après !
— Mais ça se mange pas les couleurs !
Du Lulu tout craché.
Au tour de premier grand-père. Il est toujours sérieux. Maman a dit que c’était parce qu’il travaillait dans l’armée. Il ne parle pas beaucoup, mais c’est pas grave, il est trop gentil avec nous.
On s’est à peine approché de lui que tonton clown lui parlait déjà.
— Mon colonel, gâteau en vue. Vous avez dû recevoir la missive du quartier général sur formulaire Bzx qui stipulait que votre choix serait décisif !
Je n’ai pas tout compris, mais ça les a tous fait rire, surtout quand il lui a répondu d’un ton sévère :
— Mon pauvre fils que vous êtes bête !
Après il nous a regardé Lulu et moi et son visage a complètement changé avec un grand sourire.
— Lequel tu veux grand-père ?
— Je ne voudrais pas faire le mauvais choix. Choisi pour moi.
Juste à côté, c’est pas grand-mère. Enfin si presque. La vraie elle est morte il y a longtemps, alors grand-père il a rencontré Ginou. Mais c’est pareil. Elle nous achète des bonbons et elle dit souvent qu’elle nous aime et que « jamais son cœur ne vacillera ».
Papa m’a expliqué que ça voulait dire que ça ne changera jamais, qu’elle nous aimera toujours. Il a rajouté aussi en chuchotant qu’elle parle comme les vieux livres.
Alors ce soir quand je lui ai proposé du gâteau pour montrer que j’avais bien compris, j’ai dit :
— Est-ce que tu vas vaciller pour choisir ?
Peut-être ça ne marchait pas très bien parce qu’elle m’a répondu en levant les sourcils :
— Non je ne vacillerai pas mon cœur, mais je ne mange pas de gâteau !
— Tu veux un coup de main petite cocotte ?
Nina, c’est notre cousine. Elle s’est penchée vers Lulu quand on s’est approché. C’est la préférée de ma sœur, je le sais parce qu’elle est toujours collée à elle. Pourtant au début elle avait peur, Nina elle a des tatouages partout.
Ce soir elle est habillée pour la fête et on en voit encore plus. Il y a des corbeaux sur ses épaules et ça descend le long du bras. Lulu elle passe son doigt dessus comme si elle dessinait.
— Qu’est-ce qui y a écrit là ?
— Où ça, sur la stèle ?
— C’est quoi une stèle ?
— La tombe tu veux dire.
— Pourquoi tu as dessiné une tombe ?
Elle a rigolé et lui a fait un bisou sur la tête. Et puis elle m’a regardé et m’a dit :
— Je prendrai bien celui au chocolat.
Juste à côté, c’est son petit frère, on a le même âge. Il n’est pas comme nous, mais je l’aime bien Tom.
Il ne parle pas, mais il sourit.
— Tu veux quoi Toto ?
Il m’a regardé et il a regardé le chariot. Et puis il m’a encore regardé. Alors j’ai insisté.
— Vas-y, dis-moi !
Il m’a souri, il a fermé les yeux en s’agitant et puis il s’est caché dans les bras de sa maman. Elle lui a parlé tout doucement.
— Tu veux du gâteau ? Il y en a un à la fraise, ton préféré.
À ce moment-là, il s’est retourné et il a enfoncé le doigt dans celui qu’il voulait. Nina a rigolé, mais sa maman était gênée. Elle m’a jeté un coup d’œil, l’air un peu agacé.
— Indéniablement, c’est celui-ci qu’il veut. Tu peux lui couper une petite part s’il te plait ?
Là, ça ne va pas être facile. Les suivants ce sont les jumeaux et ils sont toujours en train de m’embêter. Leur papa dit qu’ils sont un peu… j’ai pas le droit de dire le mot. Il parait que c’est l’âge, mais moi je comprends pas trop ce que ça a à voir parce que même l’année dernière ils faisaient que de m’ennuyer.
— Regarde, c’est la banane qui fait le service !
— Trop bien, il est trop à sa place comme esclave.
J’osais pas trop parler, mais de toute façon ils m’ont pas laissé le temps.
— On en veut un bout de chacun.
C’était compliqué, il y en avait trop. Heureusement qu’il y avait leur papa en face.
— Hey, les deux miroirs brisés, arrêtez de gâcher le paysage !
Et puis il m’a dit :
— Sers-leur celui que tu n’aimes pas, ça leur apprendra.
— Ah enfin, vous arrivez jusqu’à moi mes petits schtroumpfs !
Ça, c’est papy, le papa de maman. Il parle toujours très fort parce qu’il n’entend rien du tout.
— Vous êtes aussi beaux que les coruscants joyaux de la reine.
Lulu et moi on n’a rien compris, mais je crois que Thibault non plus. Il est assis juste en face et il a rigolé en criant :
— Oh papy, on n’est pas dans Starwars là !
Il a levé les yeux au ciel avant de répondre.
— Tu n’as pas ton bac de français cette année ? Va falloir réviser !
Mamy a souri et elle a répondu à sa place.
— Papy adore la noix de coco, tu en as ?
Il a pointé son doigt sur Lulu.
— Oui j’adore la noix de cocoruscant à moins que ce soit la noix de cocorico, je ne sais plus.
Lui aussi dit plein de bêtises.
Mamy elle n’en a pas voulu, comme Ginou. Ça doit etre un truc de grand-mère de pas manger de gâteau.
Lulu a avancé trop vite et elle a cogné le chariot dans la chaise de notre grand frère. Il est grand par la taille, mais il a huit ans de plus que moi. Sauf que le gâteau qui était au bord du plateau a atterri sur ses genoux.
Il y a eu un tout petit instant de silence et puis il a crié en riant.
— Mais c’est quoi cette entourloupe ? Lulu !
Après il a récupéré le morceau qui coulait sur son pantalon et il a dit en prenant un air de monstre
— Luluuuuu approche…. Luluuuu…
Et puis il s’est levé d’un bond et il a couru après notre petite sœur pour lui tartiner les joues avec la crème.
Tout le monde riait, Lulu encore plus fort.
Ouf, on a distribué à la moitié de la table déjà. Normalement ça devait être à Lulu de continuer, sauf que là maman l’aide à se débarbouiller.
J’ai poussé le chariot du côté de ma tante Zoe.
— Tati, c’est l’heure du gâteau.
Elle discutait avec sa copine Vera et ne m’a pas entendu.
— Non, mais sans déc., une veste indigo sur son pantalon orange. C’est pas un créateur de mode, c’est juste un daltonien !
Elles se sont mises à rire et Vera m’a vu alors elle lui a dit :
— Mon cœur, y a ton neveu qui nous sert le gâteau.
C’est rigolo qu’elle l’appelle mon cœur. D’habitude c’est nous qu’on appelle comme ça ! Peut être qu’elle croit que Zoe c’est son bébé.
Surtout qu’après elle l’a embrassé.
Vera, elle est gentille. Zoe dit qu’elle est n’a que deux modes, off un petit peu ou off beaucoup. Je crois que ça veut dire qu’elle s’énerve jamais. C’est pour ça qu’elle est assise à côté du neveu de papa. Lui, il est toujours en colère contre tout.
— Ils ont l’air excellent tous ces gâteaux monsieur. Lequel tu me conseilles ?
Avec mon air le plus chef pâtissier possible, j’ai répondu pour essayer d’être drôle :
— Aujourd’hui, madame, nous avons un très bon gâteau au sucre et à la farine.
Mais Lulu est arrivée à mille à l’heure et m’a arraché la pelle à tarte des mains.
— Pousse-toi-Didi, c’est mon tour !
Vera a rigolé et a dit :
— OK, madame la patissiere, je voudrais celui au sucre et à la farine.
Lulu était bien embêtée, mais j’ai pas fait exprès.
J’ai poussé le chariot vers mon cousin Alex. Il m’a regardé en fronçant des sourcils. Puis il s’est retourné vers sa femme Éloise et lui a chuchoté quelque chose comme « tu me fais vraiment… ». Ça non plus, je ne peux pas le répéter. Il avait encore l’air en colère et elle, elle a baissé la tête.
Après il a parlé à Lulu qui attendait avec sa cuillère.
— Donne-moi celui que tu veux, je m’en fous j’ai plus faim et de toute façon j’aime pas le sucre.
Éloise s’est penché et lui a dit.
— Arrête un peu, c’est une gamine, elle va être épouvantée la pauvre.
Il s’est levé d’un coup pour partir. Elle a dit :
— Tant pis pour lui.
Et elle a demandé un petit bout de charlotte en souriant, mais j’ai vu la larme qu’elle a vite essuyée.
Les suivants c’était plus rigolo. C’était ma cousine Justine et elle avait juste derrière elle, le berceau de son bébé.
Grand-père, il a dit qu’il avait bien dit que c’était une bêtise d’avoir fait un petit si jeune parce qu’il était sur qu’elle allait se retrouver seule et que ça n’avait pas raté. C’était pas très gentil, ça l’avait fait pleurer. Après, Ginou lui a donné un coup de coude pour qu’il demande pardon.
Lulu est allé voir le bébé pour lui demander s’il voulait du gâteau et ça a bien fait marrer Justine et son frère Thibault.
— Il est trop petit ma Lulu-Libellule. Mais moi tu peux nous donner un morceau de tarte aux fleurs ?
Lulu s’est mise à chercher pour trouver lequel c’était. C’était drôle, elle se moquait bien d’elle.
— Mais c’est inouï ! On y croyait plus, vous êtes enfin arrivé jusqu’à nous ! On a cru que vous vous étiez perdu en route !
— Te rends-tu compte, ils ont réussi à passer le péage de nos affreux.
— Et sans tomber dans le piège !
Ça, c’est le papa et la maman des jumeaux. Ils s’assoient toujours à côté et mangent toujours les mêmes choses.
Lui, il a dit :
— Celui au choco ?
Elle a dit :
— Tu crois ? Plutôt celui à la cannelle, il doit être encore mieux.
Il a répondu :
— Tu dois avoir raison.
Elle a continué :
— Comme toujours mon chéri.
Et il s’est marré.
— Tu peux nous donner un bout de cannelle et un petit peu de chocolat s’il te plait ma puce ?
Finalement, c’est comme s’ils avaient pris chacun un truc et qu’ils avaient partagé.
Lulu a filé pelle à tarte en avant et quand j’ai poussé le chariot jusqu’à Thibault, il nous a regardés bizarrement.
— Ouai les asticots, vous êtes pas déguisé en pâte à sucre ?
Lulu elle a souri à sa blague, moi je trouvais ça pas drôle.
— Je voudrais un gâteau spécial, tu as ça ? Genre de l’espace ?
Il s’est mis à rire en reniflant et en faisant du bruit. Sa voix était curieuse aussi.
— Maman, y a Thibault qui fait encore le goret débile.
Ça c’était son petit frère juste à côté de lui. Sélène, sa maman, s’est penchée et l’a mal regardé. On devinait qu’elle voulait le tuer. Elle lui a parlé tout bas.
— Thibault t’es infernal, t’as vu tes pupilles ? On avait dit pas le soir de Noël, merde !
Et il a encore rigolé comme un cochon.
J’ai poussé le chariot entre Sélène et Max. Lulu s’est bien plantée entre eux. Sauf que Max il nous regardait pas, il préférait jouer avec ses personnages. Lulu elle voulait tout voir.
— Tu fais quoi, tu joues avec quoi ?
Elle n’a pas fait attention en tendant la main et elle a fait tomber un dinosaure dans la gâteau. Max n’était pas content et Thibault à côté, a rigolé encore en reniflant.
— Mon stégosaure !
— Pardon j’ai pas fait exprès. C’est quoi un strégrosaure ?
— Ste-go-saure patate.
— T’es pas gentil, suis pas une patate !
— Si grosse patate tu l’as tout sali.
Sélène a vu que Lulu allait pleurer alors elle a demandé en riant :
— Et si tu nous servais de ce beau gâteau au très gros zaure cuit à la crème !
— Quel magnifique honneur vous me faites là !
C’est un ami de papy. Il l’a invité parce qu’il était seul et qu’il ne faut pas rester seul la veille de Noël. Moi je sais même pas comment il s’appelle et il fait un peu peur à Lulu. Mais surtout on ne comprenait rien à ce qu’il racontait. Il a pris un air de vieille statue et nous a dit :
— N’allons pas vilipender tous les convives autour de cette table pour avoir largement pioché dans votre beau chariot. On ne peut pas leur en vouloir, tout à l’air si délicieux.
Et puis il a pointé celui aux pralines en regardant Lulu :
— Moi, mademoiselle, si j’avais un tel gâteau, il faudrait sur le champ que je l’amputasse ! Mais peut-être pourriez-vous le faire pour moi.
Heureusement que maman était là !
On avait bientôt fini le tour. Il ne restait plus que papa et maman, Lulu, moi et une place vide.
C’était pour l’invité de dernière minute. Si jamais quelqu’un était seul dehors dans le froid et qu’il frappait à la porte, on l’aurait invité. Maman, elle m’avait expliqué que c’était la tradition, qu’il fallait penser à ceux qui n’avaient rien.
Je ne sais pas trop si c’est possible, on habite à la campagne et la seule chose que je croise quand je vais jouer dans le jardin c’est des oiseaux.
Là, c’était la place de personne, il y avait juste l’assiette, les couverts et la serviette en torsade dans le verre.
Bon c’était un peu le bazar puisque c’était surtout l’endroit où on posait les plats quand tout le monde était servi.
Lulu et moi on a eu une super idée. Il restait Crocus, notre gros chien. Il n’a pas le droit de s’approcher de la table parce qu’il bave partout.
Je suis allé chercher sa gamelle dans le placard. On l’a posée à la place de la chaise vide. Il n’avait pas bougé et nous regardait depuis son tapis.
La, Lulu elle a dit :
— Monsieur Crocus qu’est ce que vous voulez pour votre dessert ?
Et elle a commencé à couper un gros morceau de gâteau au chocolat. Lui, il battait déjà de la queue en faisant plein de bruit.
Maman a éclaté de rire :
— Oula non non les enfants, pas de chocolat pour lui. Allez plutôt lui chercher ses gâteaux dans le tiroir.
Je suis parti en courant les récupérer. C’était un chouette dessert pour lui aussi.
Voilà, il ne restait plus que nous.
Papa, il ne mange jamais de gâteau et moi j’en avais pas trop envie non plus. J’étais un peu dégouté après les avoir servis. Maman a pris celui avec de la meringue et Lulu un petit bout de celui à la crème glacée qui fondait.
Elle voulait le dévorer sans attendre, mais papa l’a attrapée et posée sur ses épaules. Après il m’a serré contre lui et il a levé en l’air sa coupe de champagne.
— Chers convives, tout d’abord, faisons un triomphe à nos petits serveurs qui se sont si bien débrouillés.
Tout le monde nous a applaudis en riant.
— Mais avant de déguster ces bons desserts, nous voulions vous souhaiter à tous, un joyeux Noël !
J’en ai profité et j’ai gouté dans son verre… Beurk, je préfère le gâteau !
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