Tiraillé

le 18-09-21 7:41

Je suis tiraillé… tiraillé entre bien faire les choses, et les faire juste parce que j’aime ou parce que c’est amusant.

Je suis incapable de faire semblant. Pourtant je fais des efforts, beaucoup d’efforts. Pas pour faire semblant, les efforts. Non, des efforts tout simplement pour profiter de choses plaisantes. Et je me dis que faire quelque chose juste pour s’amuser il faut que ce soit quelque chose de léger et rapide, sinon forcément on va mal le faire, et si on le fait mal ce n’est pas amusant. Je boucle. Donc je vais essayer de bien le faire.
Vous suivez ma logique ?
Alors pourquoi suis-je tiraillé ? Pour l’écriture évidemment.
Je n’envisage pas de devenir un auteur beau, riche et célèbre. Beau non, je laisse la place aux jeunes pour cette course infinie. Quant à riche et célèbre, même si on entend partout « il n’y a pas d’âge, regardez untel ou untel qui ont passé ce cap ils avaient deux cent dix ans », je répondrais « il n’y a plus d’exemple de nos jours, ceux dont vous parlez datent du siècle dernier, et encore du début du siècle. Et en plus ils sont morts », alors encore une fois place aux jeunes.

Sauf que moi, je prends du plaisir à écrire. Beaucoup de plaisir. Et si vous avez lu quelques autres de mes articles, mon éducation m’interdit de faire mal les choses sous peine de bruler dans les flammes d’un enfer auquel je ne crois pas.
Ce serait bien un comble d’ailleurs, me consumer dans un brasier qui n’existe pas pour moi. Quelle ironie !

Alors j’écris, et j’essaie de bien le faire. Et forcément, ce qui doit arriver arrive, je dépasse toujours la limite à ne pas franchir, celle où le plaisir devient corvée.
C’est fou non ?
Raconter une histoire c’est vider son cerveau sur le papier. Si on le déverse brut de fonderie, ça n’a ni queue ni tête. Peut être que chez les génies ça peut tournoyer comme un feu de Bengale, mais pour l’homme commun que je suis ce n’est pas le cas. Donc il faut travailler ce répugnant et sirupeux jus de cervelle éparpillé aux yeux de tous.
Et là comment faire pour prendre du plaisir à se relire, se corriger, reprendre son manuscrit et se torturer pour que ce liquide visqueux devienne confiture délectable.
Je sais que certains besognent sur internet en écrivant le plus vite possible, d’autres rédigent toujours sur internet en livrant au jour le jour leur prose sans autre forme de procès. Et pour d’autres, qui en font une profession, il n’en est pas question. Ils bosseront sans relâche.

Et moi je suis là, entre les deux.

Je ne peux pas en faire un métier, je n’en ai pas le courage, pas le temps, pas la possibilité, pas l’ardeur du sang neuf. Mais livrer quelque chose de simple voir naïf, je ne peux pas non plus. Écrire un nouveau roman devient irrémédiablement un challenge, tout se complique, et le plaisir peut se transformer en contrainte. Non, va devenir contrainte.
Alors que je me plaignais encore de ne pas avancer dans un hypothétique planning que je me suis fixé, mon épouse m’a dit « il faut y prendre du plaisir, sinon ça ne sert à rien ».
Elle a raison.
Ça ne sert à rien.
Donc je me résous à y prendre du plaisir.
Et je suis immédiatement tiraillé à nouveau.

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